Hostile à la 13e rente

Le Conseil fédéral s’oppose à l’initiative syndicale pour une 13e rente AVS. Et se prépare à faire passer son projet AVS 21 au Parlement.

Le 24 novembre, le Conseil fédéral a annoncé qu’il rejetait l’initiative pour une 13e rente AVS. Lancé par l’Union syndicale suisse (USS), ce texte demande la mise en place du versement supplémentaire d’une rente AVS, chaque année, sur le principe du 13e salaire. Son introduction représenterait une hausse de 8,33% des rentes AVS. En raison du caractère socialement juste de l’AVS, les principaux bénéficiaires seront donc les salarié-e-s à bas ou moyen revenu, argumente l’USS.

L’exécutif fédéral a cependant décider de rejeter la proposition, sans contre-projet. Une décision qui a provoqué la colère de la centrale syndicale: «En rejetant l’initiative pour une 13e rente AVS, le Conseil fédéral montre qu’il refuse de voir la réalité que vit la population en matière de retraites. En effet, les rentes ne sont pas suffisantes pour vivre parce que celles du 2e pilier baissent et ne tiennent pas compte de la garde des enfants assurée par les femmes», souligne l’USS.

Fins de mois difficiles

«Aujourd’hui, la moitié des nouveaux retraité-e-s touche une rente mensuelle inférieure à 3439 francs, AVS et LPP comprises», développe la centrale syndicale. «Les femmes sont encore plus concernées, car un tiers d’entre elles touchent des rentes inférieures à celles des hommes. Beaucoup risquent ainsi de basculer dans la pauvreté qui frappe les personnes âgées. Et la situation s’aggrave puisque les rentes du 2e pilier baissent depuis plus d’une décennie à cause du bas niveau des taux d’intérêt. Après déduction des primes maladie et des loyers, beaucoup n’ont ainsi vraiment plus grand-chose pour vivre avec ce qui reste de leurs rentes».

Pour l’USS, cette situation signifie que la garantie des prestations prévue par la Constitution s’applique à une part toujours plus restreinte de la population helvétique. «Les rentes du 2e pilier sont en chute libre et les rentes des femmes scandaleusement basses. De plus, les rentes AVS sont à la traîne des salaires. Malgré les lacunes toujours plus béantes en matière de rentes, les majorités politiques de la Berne fédérale veulent uniquement développer la prévoyance privée». Or la prévoyance privée, ou troisième pilier de l’assurance vieillesse, ne représente une option que pour les secteurs les plus aisés de la population.

L’AVS, si avantageuse

Pour tous les autres, développer l’AVS représente de loin la meilleure solution, rappelle l’USS. En plein débat sur les projets AVS 21 et LPP 21, qui tous deux tentent de revoir à la baisse le montant des rentes reçues par les salarié-e-s à leur retraite, l’Union syndicale suisse a en effet publié une . Les cotisations totales d’une personne à l’AVS ont été comparées aux montants qu’elle devrait verser dans le cadre de la prévoyance privée (LPP) pour toucher la même rente. Les résultats sont éloquents: «l’immense majorité de la population aura plus d’argent pour vivre grâce à l’AVS qu’avec une prévoyance privée», souligne la faîtière syndicale.

Des chiffres parlants

Les données publiées dans l’étude sont éloquentes. Sur l’ensemble de leur vie professionnelle, les femmes seules touchant un revenu médian versent près de 300 000 francs à l’AVS (aux prix de 2020) pour obtenir leur rente du 1er pilier. Si elles devaient cotiser à la prévoyance privée, la même rente leur coûterait presque deux fois plus cher. Grâce à l’AVS, elles économisent donc plus de 250’000 franc selon les calculs de l’USS. Une assistante en soins et en santé communautaire (ASSC) célibataire, par exemple, paierait en moyenne 571 francs de plus par mois que si elle cotisait à l’AVS, pour un différentiel de près de 300’000 francs sur toute une vie active! Les hommes seuls sont aussi mieux lotis avec l’AVS qu’avec la prévoyance privée.

Cap sur AVS 21

Loin de vouloir développer le premier pilier de l’assurance vieillesse, le Conseil fédéral poursuit d’autres préoccupations. Durant sa session actuelle, le Parlement s’est saisi encore une fois du projet AVS 21, qui prévoit d’élever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. La majorité de droite adoptera vraisemblablement ce projet, qui affrontera alors un référendum syndical – avec une votation populaire probable à l’automne 2022. L’Union syndicale suisse a annoncé qu’elle mènera la bataille contre AVS 21. Elle est aussi décidée à défendre, dans un deuxième temps, son projet de 13e rente AVS.

«Pour une majorité écrasante des personnes actives, l’AVS est bien plus avantageuse qu’un financement privé des lacunes existant au niveau des rentes. L’Union syndicale suisse (USS) se battra pour son initiative, au Parlement comme dans les urnes. Celle ou celui qui a travaillé durant toute sa vie mérite de recevoir une rente décente», résume-t-elle.