Qu’est-ce que le burn-out ?
Viviane Gonik – Le burn-out, ou syndrome d’épuisement professionnel, a été défini par un psychanalyste, M. Freudenberger, comme une sorte d’incendie intérieur qui consomme les ressources d’une personne et laisse un vide immense à l’intérieur – même si l’enveloppe externe semble intacte.
Ses symptômes sont d’abord une forme de fatigue, de démotivation, la sensation de perdre ses moyens, de ne plus arriver à faire son travail. S’il s’installe, le burn-out entraîne ensuite la perte des capacités émotionnelles, de l’empathie pour ceux qu’on devrait aider, ainsi qu’une perte d’estime de soi. Cela peut aller très loin, jusqu’à la dépression voire au suicide.
Les premières recherches caractérisaient le burn-out comme une « spécialité » touchant avant tout des professions en lien avec des personnes – enseignants, personnel de soins, éducateurs, etc. Elles l’expliquaient par le décalage entre de hautes attentes, une forte implication dans son métier et le fait d’être confronté à l’échec.
Aujourd’hui, on remarque que le burn-out se développe dans toutes les professions, y compris sur les chantiers ou dans les usines, et touche entre 10% et 20% de la population active.
C’est dans l’organisation-même du travail qu’il faut chercher ses racines.
En quoi l’organisation du travail peut-elle causer le burn-out ?
Dans tous les métiers, vous savez que vous serez confronté à des difficultés: un soignant sait qu’il sera confronté à la mort, un enseignant à des élèves en échec scolaire. Cela n’est pas, en soi, source de souffrance ou de pathologie.
Autre chose est de ne pas arriver à faire ce que vous considérez juste par rapport à vos valeurs, celles que vous estimez liées à votre métier, parce que l’organisation du travail ne vous le permet pas. C’est à ce moment que le travail peut se muer en souffrance.
C’est une des causes principales du burn-tout: l’écart entre les valeurs des personnes et la réalité de ce qu’on leur demande de faire au boulot. C’est ce qu’on appelle la perte du sens au travail.
Comment en arrive-t-on là ?
Le sens du travail est fortement lié à sa reconnaissance. Comme le souligne le psychiatre Christophe Desjours, cette reconnaissance passe par un jugement d’utilité – « ce que je fais est utile », qui vient de la hiérarchie et des usagers – et un jugement esthétique – « je fais du beau travail », émis par les pairs et qui valide l’appartenance à un collectif de travail.
Depuis les années 1980, sous la pression de la rentabilité, les modes d’organisation du travail ont été chamboulés. Les salariés sont mis en concurrence et soumis à des délais toujours plus serrés. Alors qu’on leur en demande toujours plus, toujours plus vite, un nombre croissant de travailleurs sont poussés à faire du travail bâclé, à l’encontre de leurs valeurs et de leur savoir-faire.
Tous ces éléments entraînent une perte du sens au travail.
Quel est l’objectif de ces nouveaux modes d’organisation du travail ?
Ils répondent à une logique de pouvoir. Dans notre société, le travail reste l’unique source des richesses. Son contrôle est source de pouvoir. Au début du XXe siècle, le taylorisme a émietté le travail en petites tâches pour réduire le contrôle des salariés sur leur ouvrage. Aujourd’hui, on met en place des changements constants qui visent à casser le savoir et l’expérience des salariés sur leur travail, en les mettant à la merci de l’encadrement.
Que faire contre le burn-out ?
Le burn-out est aussi une maladie de la solitude. La solitude du salarié face aux difficultés qu’il rencontre, exacerbée par l’individualisation des relations de travail et la mise en concurrence généralisée.
Un antidote efficace contre cette solitude, c’est de développer des solidarités. Des solidarités enracinées sur le lieu de travail. Pour cela, le premier pas est de recommencer à parler de cette activité avec les collègues ! Discuter de ce qu’est un travail de qualité, des valeurs qui sous-tendent un métier, des manières de l’améliorer, aborder la question des effectifs, etc.
Pour ne pas vivre le travail comme un problème individuel, il faut avoir un échange réel avec les collègues à son sujet! C’est le premier pas. Ensuite, cela peut permettre d’élaborer des revendications concrètes.
En parallèle, il faudrait ouvrir un autre chantier: le système de protection de la santé au travail, pris en charge par la Suva, date du XIXe siècle. Il est totalement lacunaire et archaïque. Il faudrait changer les règles définissant les maladies professionnelles, notamment en intégrant les problèmes psychiques et psychiatrique comme étant des maladies liées au travail.
Si les entreprises doivent payer, elles devront changer de pratiques.
Les syndicats participent à la Suva. Un débat syndical sur la question est donc nécessaire.