20% de salaire en moins. Assez !

L’OFS le confirme: les inégalités salariales persistent, alors que le temps partiel reste l’apanage des femmes. Cette double discrimination sera au centre de notre grève, le 14 juin prochain.

photo Eric Roset

La dernière enquête de l’Office fédéral de la statistique (OFS) est formelle: l’égalité des salaires ne progresse plus.

Pour un emploi à plein temps, en 2016, les femmes ont gagné en moyenne 19,6% de moins que les hommes dans le secteur privé – 16,7% de moins dans le public. Ces pourcentages étaient respectivement de 19,5% et de 16,6% en 2014. Alors que toutes sortes d’affirmations et de chiffres fallacieux viennent ponctuer le débat sur l’égalité, l’analyse de l’OFS, publiée le 31 janvier dernier, clarifie le débat: l’égalité salariale est au point mort !

Bas salaires, encore
Les femmes ont des salaires plus bas. Elles sont aussi majoritaires dans les secteurs à basse rémunération: sur trois postes à plein temps rémunérés à moins de 4000 francs bruts par mois, près de deux sont occupés par des femmes. Dans le secteur public aussi, les femmes sont majoritaires parmi les fonctions les moins bien rémunérées. Plus les salaires sont élevés, plus la part de femmes est faible : « Dans le segment supérieur de la pyramide salariale, ce qui correspond aux postes rémunérés à plus de 8000 francs bruts par mois, 71,8% des postes étaient occupés par des hommes et 28,2% par des femmes», note l’OFS(1) .

Le piège du Temps partiel
Les bas salaires ne sont qu’un aspect de la problématique. L’emploi des femmes est aussi caractérisé par le temps partiel, qui réduit encore le revenu touché. En Suisse, 59% des femmes occupent un emploi à temps partiel, contre 18% des hommes. Les trois secteurs comptant le taux de temps partiel (hommes et femmes confondus) le plus élevé sont aussi ceux qui occupent le plus de femmes: les arts, loisirs et ménages privés (63% de temps partiels), suivis de l’enseignement (59%) et du secteur de la santé humaine et de l’action sociale (55%). À l’autre bout, ce sont les secteurs « masculins » de la construction (12%), des activité industrielles (18%) et des activités financières et d’assurance (22%) qui affichent les taux de temps partiel les plus bas.

Le sous-emploi est féminin
Renoncer à travailler à temps plein n’est pas toujours un « choix ». Dans les secteurs où le temps partiel est très développé, il est souvent difficile de trouver un poste à plein temps. Le fait de réduire son taux d’activité pour s’occuper des enfants enferme ainsi la salariée dans un piège: quand les enfants sont plus grands, il devient difficile, voire impossible de revenir à un taux plus élevé, voire à un plein temps. Les statistiques du sous-emploi sont parlantes: « Quant à l’âge, il semble avoir l’effet inverse selon que l’on est une femme ou un homme: chez les premières, le taux de sous-emploi passe de 8% chez les 15-24 ans, à 13,5% chez les 40-54 ans, tandis qu’il diminue chez les seconds, passant dans ces mêmes classes d’âge de 4,6% à 2,7% », constate l’enquête de l’OFS(2) . Globalement, les femmes sont trois fois plus nombreuses que les hommes à souffrir de sous-emploi – et donc aussi d’un revenu insuffisant.

Double journée
Le temps partiel concerne les 82% des mères d’enfants de moins de 4 ans. Mais seulement 13% des pères. Si, pour les femmes, la garde des enfants et les autres obligations familiales sont la première raison de travailler professionnellement à temps réduit, tel n’est pas le cas des hommes. Ceux-ci mentionnent d’abord l’envie de suivre une formation ou des études. De fait, les femmes assument une double journée de travail en partageant leur temps entre un emploi rémunéré et une activité domestique non rémunérée. Elles triment ainsi autant que les hommes, mais pour un demi salaire… et, une fois arrivées à la retraite, pour une rente réduite de moitié.

L’égalité salariale devra aller de pair avec une redéfinition du temps de travail
Le partage actuel entre temps de travail rémunéré et non rémunéré maintient de fait les inégalités entre les femmes et les hommes.
Pour aller vers une société fondée sur l’égalité des genres, il faut agir sur les salaires, mais aussi sur le temps de travail tel qu’il est défini par la Loi sur le travail: 45 heures hebdomadaires – 50 heures pour certaines branches.
En moyenne, le temps de travail effectif est légèrement supérieur à 41 heures. C’est beaucoup trop. Raison pour laquelle le Manifeste pour la grève féministe et des femmes* exige « une réduction massive du temps de travail légal pour sortir du piège du temps partiel. Nous voulons travailler moins pour vivre mieux et pour avoir le temps d’assumer et de partager les responsabilités familiales et sociales. Nous voulons davantage de congés pendant la vie active, en particulier un congé parental égalitaire et obligatoire », déclarent les collectifs romands pour la Grève du 14 juin.

Cette revendication est difficile à concrétiser rapidement, d’autant que la droite a lancé un débat parlementaire pour augmenter et flexibiliser encore davantage le temps de travail.

Il faut bien sûr s’opposer à ces velléités patronales. Mais nous devons aller plus loin et exiger le partage du travail entre toutes et tous. C’est une question centrale pour mettre en œuvre l’égalité des salaires, mais aussi pour garantir à chacun-e de meilleures conditions de vie.

Michela bovolenta, secrétaire centrale


(1)OFS : Communiqué de presse, 31 janvier 2019.
(2)OFS: Le travail à temps partiel en Suisse en 2017. Neuchâtel, 2019