La grève n’est pas un jour de vacances

La grève est un moment de lutte légitime – y compris lorsque ce sont les femmes qui se mobilisent pour leurs droits!

photo Eric Roset

La grève féministe et des femmes* prend de l’ampleur. De plus en plus de femmes se réunissent dans les collectifs cantonaux, les villes, les quartiers, sur les lieux de travail. Les femmes paysannes se joignent aussi au mouvement, à l’image de Lotti Baumann, présidente de l’Association des paysannes d’Argovie, qui dit l’injustice vécue par nombre d’agricultrices qui travaillent sans salaire(1).

L’élargissement du mouvement amène son lot de réactions. À droite, beaucoup pensaient que c’était juste pour rire. Ils découvrent que nous sommes sérieusement engagées dans un mouvement de grève. Du coup, la droite et le patronat tente de remettre l’église au milieu du village. Manque de bol, la Ligue suisse des femmes catholique rejoint la grève et conteste les structures de pouvoir masculin et les scandales à répétition ! Si notre grève semble bien être inarrêtable, il n’en reste pas moins nécessaire de répondre coup sur coup à toutes les attaques qui pourront venir d’ici au 14 juin.

Ces derniers jours, on a d’abord entendu que la grève ne serait pas licite. C’est l’avocate Sandra Gerber, dont le bureau d’avocats est spécialisé dans le conseil aux entreprises, notamment en cas de licenciements collectifs, qui nous l’explique dans une interview au Matin Dimanche. Pourtant, la grève est un droit inscrit dans la Constitution fédérale (2) . Si ce droit comporte certaines exigences, il ne peut pas être vidé de tout contenu. Prétendre que cette grève ne porte pas sur les relations de travail est aussi absurde que prétendre que les pommes poussent sur des cactus.

Nos revendications portent sur des questions qui sont au cœur du contrat de travail: les salaires, le temps de travail, les congés ou encore le harcèlement sexuel qui est interdit par la loi. Certes, nous avons aussi d’autres revendications légitimes, comme la reconnaissance du travail non rémunéré ou la lutte contre la violence sexiste. Mais celles-ci n’annulent aucunement les premières. Elles les complètent.

On nous a ensuite dit de prendre un jour de congé. À entendre François Schaller, ancien rédacteur en chef de L’agefi, si ces dames ne veulent même pas sacrifier un jour de congé pour leur combat, c’est que ce dernier ne vaut pas grand-chose à leurs yeux(3) . Aussi farfelue qu’elle soit, cette idée a été reprise largement. Or une grève n’est jamais un jour de vacances. Il s’agit d’un moment de lutte légitime – y compris lorsque ce sont les femmes qui se mobilisent pour leurs droits !

Enfin, on nous a servi la paix du travail. Cette espèce de muselière qui, en Suisse, permet au patronat d’imposer ses diktats depuis des décennies. L’argument commence pourtant à sentir le réchauffé. Nous y avions eu droit en 1991, lors de la première grève des femmes. Christiane Brunner y avait répondu par ces simples mots: « Appeler à une grève des femmes est à coup sûr égratigner la paix du travail et la paix des ménages, mais c’est aussi à ce prix que l’on accordera enfin quelque importance aux revendications des femmes en Suisse »(4).

Pour l’égalité, le respect et la solidarité. Toutes* en grève le 14 juin 2019 !


(1) Sontagsblick, 14 avril 2019.
(2) Voir notre dossier https://ssp-vpod.ch/downloads/campagnes/circulaires-du-ssp-pour-la-greve-des-femmes.pdf
(3) Forum des médias, 14 avril 2019.
(4) Conférence de presse de l’USS, 7 mars 1991.


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