Suivons l’exemple des Espagnoles !

De la toile à la rue, des Etats-Unis à l’Argentine, de l’Islande à la Pologne, puis à l’Etat espagnol, la mobilisation des femmes ne faiblit pas. En Suisse, la colère monte aussi.

Les rues espagnoles ont été envahies par une marée de femmes en grève contre le machisme, le harcèlement sexuel, les inégalités de salaires, les féminicides. « Il n’y a pas qu’une raison de faire grève, il y en a trop ! » proféraient les organisations féministes qui appelaient à arrêter le travail à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. 5,9 millions de femmes se sont mis en grève et ont bloqué le pays. Le constat est le même que partout: « Les femmes ont les retraites les plus faibles, les emplois les plus précaires, elles réalisent encore l’essentiel des travaux domestiques, sont trop souvent questionnées quand elles posent plainte pour viol, et près de 1 000 ont été assassinées en quatorze ans » [1]. Après des années d’austérité, les conditions de travail et de vie des femmes se sont précarisées, ce sont elles aussi qui assument au sein des familles ce que les services publics ne font plus dans les secteurs du social, de la santé et de l’éducation des enfants. Les femmes espagnoles voulaient « stopper le monde » pour exiger « l’égalité des droits et des conditions de vie ». Leur exemple devrait nous inspirer.

Les femmes outrées. En Suisse, la mobilisation a été plus modeste, mais la colère monte. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs cantons dont Genève, Berne, le Tessin et Argovie, pour revendiquer l’égalité des salaires. Mais pas seulement. Le thème du harcèlement sexuel sur le lieu de travail et du harcèlement de rue étaient également présents. Le film « l’Ordre Divin », qui retrace l’histoire du droit de vote des femmes, a donné lieu à de nombreux débats un peu partout, ravivant l’intérêt pour le combat féministe. La mobilisation du 8 mars a redoublé d’intensité suite à la décision du Conseil des Etats de renvoyer en commission le projet de révision de la Loi sur l’égalité – visant à introduire un modeste et inoffensif contrôle des salaires. Politiciennes et journalistes ont dénoncé, à juste titre, un affront fait aux femmes. De nombreuses conseillères nationales ont assisté au débat, dont la socialiste Rebeca Ruiz qui écrit : « Assises au bord de la salle, la rage au ventre, nous étions, ce jour-là, contraintes à nous taire par les règles de bienséance. Les sénateurs ont peut-être cru que, en dehors de ces murs, comme en d’autres temps, les femmes encaisseraient silencieusement l’affront. Ils se sont trompés» [2].

Passer à l’offensive. Oui, ils se sont trompés. Même en Suisse, les femmes en ont assez. L’arrogance de la droite a même fait dire à Mme Sommaruga qu’il « faut peut-être se remobiliser, retrouver l’esprit de la grève des femmes de 1991 »[3]. Certes, la conseillère fédérale voudrait imposer le contrôle des salaires pour faire accepter aux femmes la hausse de l’âge de la retraite des femmes. Et ce deal, nous ne le voulons pas. Mais, sur la nécessité de se mobiliser, il est significatif que la conseillère fédérale rejoigne la proposition et la résolution votées par le Congrès des femmes de l’USS, fin janvier, d’organiser une grande manifestation nationale le 22 septembre prochain, puis de réfléchir sérieusement à une nouvelle grève des femmes.

L’égalité. Point final. Notre objectif est de mettre fin aux inégalités en tout genre, de stopper le sexisme et la violence à l’encontre des femmes, d’arrêter les discriminations. Point final. Nous en avons assez des deals: le contrôle des salaires contre l’élévation de l’âge de la retraite des femmes. Le congé paternité contre la baisse de l’imposition des entreprises. Le droit à un salaire égal est un droit pas un cadeau. Le congé paternité est une avancée sociale qui n’a rien à voir avec la fiscalité des entreprises. Il faut mettre un frein à ce jeu dangereux et mettre un frein à l’arrogance de la droite et du patronat. Il ne nous reste qu’à suivre l’exemple des femmes espagnoles: nous mobiliser !


[1] Ruth Caravantes, porte-parole de la commission 8M, dans Le Monde du 8 mars 2018

[2] Le Temps du 5 mars 2018

[3] Le Matin Dimanche du 4 mars 2018