Plus déterminées que jamais!

de: Michela Bovolenta, secrétaire centrale SSP

Pari osé. Pari réussi. 300'000 personnes dans la rue. Plus de 90 lieux de travail mobilisés dans le secteur public et parapublic, pour la seule Suisse romande.

photo Valdemar Verissimo

La pression était immense. Nous le savions, tout le monde allait comparer 2023 et 2019. Et le 14 juin 2019 a mis la barre très haut, puisque la Grève féministe a été historique. À la surprise de tout le monde, une vague violette de plus d’un demi-million de personnes avait submergé la Suisse. Quatre ans et une pandémie plus tard, la vague est revenue. Et si on compte un peu moins de monde, la foule était « plus déterminée que jamais », comme le titre 24 heures[1]. On sentait la force et la colère.

La force de découvrir ensemble que nous avons tenu le pari, lancé sur toutes les places de Suisse en 2019: nous serons là tant qu’il le faudra. Tant qu’il y aura des féminicides. Tant qu’il y aura des violences sexistes et sexuelles envers les femmes et les minorités de genre. Tant que nos salaires seront plus bas. Tant que le temps de travail rémunéré ne sera pas réduit. Tant que le travail non rémunéré ne sera pas valorisé et partagé. Tant que nous n’aurons pas obtenu le respect de nos corps et de nos vies.

La colère d’avoir dû encaisser, pour une poignée de voix, AVS 21, et de voir que toutes les promesses faites pour améliorer les salaires et les rentes n’ont pas été tenues. La colère de constater que le pouvoir en place peut mobiliser des milliards de francs en quelques jours pour sauver les banques, mais rien pour sauver la vie des femmes victimes de la violence machiste. La colère aussi de voir que l’égalité avance au pas de l’escargot, que chaque progrès, nous devons l’arracher et que le « backlash » n’est jamais loin. Depuis 43 ans, nous attendons la mise en œuvre du principe constitutionnel de l’égalité, adopté le 14 juin 1981. Cette égalité que nous revendiquons est un droit. C’est simple. Basique. Légitime. Et c’est cette légitimité qui donne au mouvement la capacité de durer, malgré et contre toutes les tentatives de le déstabiliser.

Car ces dernières semaines, alors que la mobilisation montait, les attaques contre la Grève féministe se sont multipliées. Sans surprise, nous avons entendu et lu que celle-ci ne serait pas une « vraie » grève. Puis que les termes féminisme, inclusivité, convergence des luttes nuiraient à la cause. Nous avons encore assisté au ballet des études et sondages pour affaiblir nos revendications: 99% des entreprises respecteraient l’égalité des salaires; la majorité des étudiantes aspireraient à épouser un prince charmant et riche plutôt qu’à toucher un salaire égal; 62% des hommes seraient d’avis que les féministes détestent les hommes; et ainsi de suite. Pour finir en beauté, nous avons eu droit aux lamentations des femmes bourgeoises, largement relayées par la presse, qui se sentiraient exclues parce que la Grève féministe serait « trop à gauche » et « trop radicale ».

Mais la presse a dû l’admettre: « Malgré les divisions, la vague violette ne se brise pas »[2] . L’ampleur de la mobilisation du 14 juin a coupé court à toutes ces critiques et tentatives de division. Les femmes bourgeoises peuvent aller se coucher. Leur « oui « à l’augmentation de l’âge de la retraite nous reste en travers de la gorge. Ce ne sont pas elles qui feront avancer un féminisme des 99%, mais notre capacité à nous mobiliser tant qu’il le faudra. Poing levé, on ne lâche rien !


[1] 24 heures, 15 juin 2023.

[2] Le Temps, 15 juin 2023.


Galerie: Grève féministe du 14 juin 2023

Les photos de la mobilisation sur les lieux de travail, les lieux de formation et dans la rue, dans les cantons de Vaud, du Valais, de Neuchâtel, du Jura, de Fribourg et de Genève.